Quand j’étais enfant et qu’on me demandais ce que je voulais faire quand je serais grande, ma réponse était « Écrivaine, avec dix chats » (oui, les chats sont vitaux dans la description de poste).
Aujourd’hui, je n’ai pas (encore) dix chats, mais je suis bien écrivaine. Pas professionnelle, ni à temps plein – j’ai mis de côté l’idée d’en vivre, pour en faire plutôt une passion.
J’ai réussi à mettre à profit mon amour des mots dans d’autres domaines professionnels, et trouver une carrière qui remplit ma soif de créativité. Il n’empêche qu’écrire de la fiction reste une passion qui m’anime, et à laquelle je consacre toujours du temps. Et, si je n’en vis pas, mon parcours d’écrivaine influence mon parcours de communicante, et vice-versa.
📁 Réalisations
✓ Roman ✓ Couvertures ✓ Posts réseaux sociaux ✓ Illustrations diverses💪 Hard Skills
✓ Écriture de scénario ✓ Écriture de fiction ✓ Édition ✓ Illustration ✓ Community Management ✓ Anglais💡 Soft Skills
✓ Documentation/Recherche ✓ Adaptation stylistique ✓ Collaboration avec un relecteur

Jigen left the US and his old life behind to start over as a tattoo artist in Tokyo. The fact that his best friend has a secret identity as a thief, and that his cute-florist-neighbour-who-he-definitely-doesn’t-have-a-crush-on may have ties to the yakuza isn’t going to stop him from becoming an honest man. …Is it?
Avec 100 000 mots, 255 pages, et plus de 3 ans de travail, Hanafuda est aujourd’hui mon roman le plus long, et celui dont je suis le plus fière – autant du résultat final, que du processus de création et de ce que j’en ai appris.
En entrant en Master de communication rédactionnelle, la tout première chose que nous a dit notre professeur, c’était:
« Il faut arrêter de croire au mythe qui veut que l’écriture soit une affaire d’inspiration divine qui descend sur un auteur dans sa tour d’ivoire. L’écriture, ça s’apprend, comme tous les autres métiers.
Ça se travaille, ça se réfléchi, et ça s’affute. »
C’est vrai autant dans la rédaction pour la publicité que dans l’écriture de fiction. Sur les trois ans et demi que j’ai passés sur Hanafuda, l’écriture a duré deux ans. Avant cela, plus d’un an de préparation, de recherches, d’affinage de l’intrigue.
Le scénario, brique par brique
Hanafuda est une fanfiction, une histoire basée sur une œuvre déjà existante, en l’occurrence l’anime japonais Lupin the Third (lui-même une fanfiction d’Arsène Lupin de Maurice Leblanc). Ce roman est avant tout ma lettre d’amour à cette franchise que j’affectionne profondément.
C’est aussi un exercice d’écriture particulier, car avec une fanfiction, j’écris dans un cadre scénaristique précis. Les personnages que je manipule existent déjà; je me les réapproprie et les transpose dans un contexte différent de celui de leur œuvre d’origine, mais je me dois de conserver ce qui les définit, tout en explorant comment un changement d’environnement peut en faire des personnes différentes. Ou, comme j’aime le décrire, « les mettre dans un terrarium et le secouer un bon coup ».
L’intrigue sert donc cette exploration. Elle s’est assez naturellement séparée en trois « arcs » narratifs:
- Exposition: Les deux protagonistes sont d’anciens criminels reconvertis. Il faut décrire leurs nouvelles vies, et tout ce qu’elle leur présente de défis et de dilemmes.
- Élément perturbateur: Un ancien complice refait surface et veut se venger. On jette un caillou dans le terrarium: c’est le moment de voir comment la relation des protagonistes change lorsqu’ils découvrent leurs passés respectifs.
- Répercussions: Une fois la crise maitrisée, les protagonistes ré-évaluent leurs choix de vie, se questionnent sur leurs valeurs et sur ce que cette épreuve a changé dans leur relation.
Chacun de ces trois segments s’est développé jusqu’à être une petite histoire dans l’histoire, j’ai donc fini par les séparer en trois tomes: Sakura (le cerisier), Botan (la pivoine), et Kiku (le chrysanthème).
Un exercice stylistique d’adaptation
Sur le plan stylistique, ce roman me pose aussi un autre challenge: comment retranscrire à l’écrit les ressorts d’une série animée. Lupin the Third est particulièrement connu pour ses courses-poursuite en voiture, sa physique à géométrie variable, et son ambiance alternant entre film de gangster et comédie à la Looney Tunes. Je dois donc manier des figures de style, des formes de phrase et de paragraphe, et un vocabulaire spécifique, pour refléter l’ambiance et le rythme très particulier de cette série.
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Tout en m’autorisant bien sûr une liberté stylistique. L’intérêt de la fanfiction est aussi de développer son propre style à travers ces contraintes, de sortir de sa zone de confort pour découvrir de nouveaux leviers d’écriture et les intégrer pour faire évoluer mon travail.
Construire un univers
L’action de Hanafuda se déroule au Japon et essentiellement à Tokyo. La culture japonaise me passionne, et ce roman est une vitrine dans laquelle j’expose des facettes de cette culture:
- Le tatouage irezumi apparu durant l’époque Edo, et les symboles et motifs qu’il utilise
- L’ikebana, arrangement floral développé à l’époque Heian et pratiqué par les élites guerrières
- La symbolique des fleurs dans la culture japonaise, extrêmement riche et présente dans de nombreuses formes d’art traditionel
- Les liens historiques entre shintoisme et bouddhisme, et leur place dans la vie quotidienne des Japonais-es modernes
- Le monde de la pègre chez les yakuza, à la fois les mythes populaires et la réalité
Cela implique évidement une grande quantité de recherche pour présenter avec exactitude et respect une culture qui n’est pas la mienne. Mes recherches sont passées par plusieurs canaux:
- Des livres, d’abord: « Hanafuda, le jeu des fleurs » par Véronique Brindeaux, « Japanese tattoos » par Brian Ashcraft et Hori Benny, « Tokyo Vice » et « Le Dernier Yakuza » par Jake Adelstein
- Des vidéos et documentaires: la chaine de Louis-san sur la culture du Japon; plusieurs documentaires d’Arte; des vidéos par des tatoueur-euses sur leur métier au quotidien
- Des visites culturelles: le Salon Mondial du Tatouage à La Villette, une exposition d’ikebana à la Maison du Japon à Paris, une exposition sur les kimono au Musée du Quai Branly
- Des questions aux personnes concernées: à des proches tatoué-es pour recueillir leur expérience, à une amie nipponophone pour le vocabulaire spécifique et l’étiquette japonaise
- Mes propres voyages: j’ai eu l’immense chance de me rendre au Japon pendant l’écriture de ce roman, ce qui m’a permis de plus facilement placer les lieux de l’action, donner des détails réalistes, et expérimenter par moi-même certains événements (festivals, visite de temples, …)
Une oeuvre collective
Écrire de la fanfiction veut dire opérer en autonomie, hors du réseau professionnel de soutient et d’accompagnement des maisons d’édition. Néanmoins, je suis loin d’être seule dans la création de ce roman.
Je travaille depuis plusieurs années avec un bêta-lecteur anglophone. Son rôle principal est de relire et corriger les fautes dans mon manuscrit avant sa publication sur Internet. J’écris en anglais, que je parle couramment mais qui reste néanmoins une langue étrangère. Je le sollicite donc souvent pour vérifier mon choix de vocabulaire, trouver une tournure de phrase plus fluide ou une expression idiomatique.
Avec le temps, il est aussi devenu mon conseiller sur le scénario. Travaillant avec moi depuis plusieurs années, il est habitué à mon style d’écriture, à mes objectifs scénaristiques, et à mon mode de réflexion, et il connait bien mes personnages. Il y a donc une grande part de ses idées et de ses conseils dans le résultat final de ce livre.
Plusieurs autres personnes ont aussi participé à la construction de ce roman:
- Ma meilleure amie, qui vit actuellement à Tokyo et apprend le japonais depuis plus de dix ans. Elle m’a beaucoup aidée dans mes recherches, traduit des sites web japonais pour moi, et parfois posé mes questions directement à des Japonais-es sur place.
- Plusieurs ami-es tatoué-es, qui m’ont décrit le déroulement d’un tatouage, de la création du design à la séance proprement dite, ainsi que leurs ressentis personnels
- Des ami-es transgenres, pour m’assurer d’une représentation respectueuse de leur expérience (un des personnages principaux est trans)
- De nombreux proches à qui j’ai soumis mes dilemmes scénaristiques pour avoir un avis extérieur (la bonne vieille méthode du canard en plastique…)
On imagine souvent l’auteur-ice dans sa tour d’ivoire, qui couche sur le papier un univers qui n’existe que dans sa tête. En réalité, un roman est une œuvre collective, et un travail d’équipe, dans lequel la qualité finale dépend de ma capacité à prendre du recul et à m’appuyer sur l’aide et l’expertise d’autres personnes.
Au delà de l’écriture: l’autopublication
Hanafuda est auto-publié sur Internet. C’est une fanfiction, je n’ai donc pas le droit de commercialiser mon roman puisqu’il reprend des personnages d’une franchise existante; mais j’ai le droit de le diffuser gratuitement en tant qu’ « œuvre transformative ». Opérer en dehors du circuit de publication professionnel est aussi une force. J’ai déjà un potentiel lectorat « pré-fait »: la communauté de fans de Lupin The Third. Le monde de la fanfiction est effervescent et très soudé, et s’appuie sur des communautés de réseaux sociaux bien développées.
Ma communication a reposé sur plusieurs piliers:
- Mon lectorat existant, qui appréciait déjà mes publications précédentes et était prêt à lire quelque chose de différent venant de moi (Hanafuda dévie assez fortement des scénarios de fanfiction classiques)
- Un partage du processus créatif: pendant les deux ans d’écriture de Hanafuda, je partageais régulièrement des extraits qui étaient ensuite repostés par les gens me suivant sur les réseaux sociaux; mais aussi des anecdotes sur le processus créatif, comme mes difficultés de recherches ou mes personnages faisant ce qu’ils veulent sans me demander mon avis
- La création de contenu additionnel: de nombreux dessins illustrant des personnages et des scènes du roman, publiés au fur et à mesure de l’écriture, un board Pinterest, et des ressources culturelles sur le Japon
- Le processus « organique » de repartage sur les réseaux: mes lecteur-ices recommendaient ma fanfiction à d’autres, repartageaient mes publications sur les réseaux, et attiraient de nouveaux lecteurs. Grâce à la communauté de fans de Lupin The Third déjà établie, il y a un climat de confiance et une habitude de faire des recommandations. Si un « grand nom » de la communauté (bref un-e influenceur-euse!) repartage mon travail, cela me donne une visibilité accrue.
L’écriture a duré deux ans au total, et j’ai publié chacune des trois parties au moment où elle était terminée, donc avec un long hiatus entre chaque publication. Dans ces conditions, il était très important de garder mon lectorat impliqué sur une longue période de temps.
Mettre les mots en image
Qu’est-ce qu’un roman sans une couverture? Pour accompagner Hanafuda, j’ai réalisé moi-même les images de couvertures pour les trois « tomes ». Ils devaient refléter les grands thèmes de chaque partie, et se faire une vitrine des motifs centraux de l’histoire – notamment les tatouages, et les fleurs.



Les trois parties sont chacune nommées d’après une fleur saisonnale tirées du jeu de carte japonais hanafuda:
- le sakura (cerisier) du printemps représente le renouveau (début de la nouvelle vie des personnages) mais aussi la fragilité
- le botan (pivoine) de l’été représente la passion, l’action, et a une connexion au monde des yakuza et du tatouage
- le kiku (chrysanthème) de l’automne représente la transformation, la longévité et la joie
En préparation pour les couvertures, et dans le but de « teaser » la publication prochaine, j’ai également dessiné moi-même les tatouages que portent les protagonistes. Une entreprise compliquée mais passionnante car j’ai voulu m’inscrire dans les codes de l’irezumi, et que chaque tatouage ai un sens précis lié aux aspirations et à l’identité des personnages.


Retour d’expérience
Hanafuda n’est pas mon premier roman, et il ne sera certainement pas le dernier. Mais il est à ce jour celui qui m’a demandé le plus de temps, de travail et d’investissement. C’était avant tout un projet-passion, et cela m’a permis de développer de nombreuses compétences et m’amusant, pour un résultat qui me rend fière.
Il est difficile de me dire que j’ai mis le point final à une aventure qui a duré presque quatre ans; mais terminer ce roman est le premier pas pour écrire le suivant!